Une approche sensible et consolante… (la conférence est aussi en ligne sur ma chaîne de diffusion) et le texte complet se trouve plus bas).

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« Dieu est le seul être que l’on ne cherche jamais en vain, et que l’on ne trouve jamais en plénitude » (St Bernard)

Lumières

« Dieu n’est pas au bout d’un raisonnement, Dieu est au bout d’un émerveillement que l’on a devant la beauté de la création » (Stan Rougier). Pour illustrer mon propos, j’ai choisi la montagne, qui offre un terrain propice à l’éveil de l’esprit à la beauté du monde. Saint Bernard rappelle qu’« on apprend plus de choses dans les bois que dans les livres : les arbres et les rochers nous enseignent des choses que nous ne saurions entendre ailleurs ». La vie citadine et la culture technologique nous font vite oublier notre appartenance à la terre, et perdre la sensation de ces éléments nécessaires à la vie que nous ne maîtriserons jamais totalement. Heureusement, il y a des lieux qui nous permettent de faire l’expérience d’un silence qui nous habite et nous apaise. La nature nous aide à nous resituer dans notre condition de créature.

Mais la fréquentation de la beauté nous met aussi sur le chemin de Dieu, comme le mentionne St Paul dans l’Épître aux Romains : « ce qu’il y a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers les œuvres de Dieu ».

« L’univers est pétri de beauté, et sa substance est l’amour » disait la philosophe Simone Weil. Son immensité est la manière dont Dieu nous dit qu’il est un être infini, bien plus grand que son œuvre visible, qui pourtant nous dépasse tellement. Au point de l’entendre murmurer : « regarde ce que j’ai fait pour toi ! ».

Qui contemple le monde et fait silence s’ouvre un jour ou l’autre aux questionnements de son âme et à la rencontre avec l’Hôte intérieur qui attend patiemment. On est loin de l’être cérébral qui cherche à tout comprendre par ses raisonnements, et qui risque de passer à côté de ce qui lui est donné gratuitement tous les jours !

J’oserai dire qu’il faut presque tomber amoureux de la création pour devenir amoureux du Créateur. Car Dieu nous attire sans cesse par la beauté du monde et celle des êtres confiés à notre regard et à notre protection, ne l’oublions pas.

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Pensons à tout ce qui nous émerveille et nous éblouie, ici-bas, nous transperce littéralement, devant le spectacle grandiose du monde crée. Prenons chacun un moment pour faire mémoire du ravissement que nous avons ressenti devant : un océan, une montagne, un ciel, une fleur, des visages humains inoubliables, des regards qui nous ont désarmé de pureté et de douceur ; mais aussi la musique et toutes les créations magnifiques dans lesquelles des instants d’éternité ont épousé un bout de notre temps !

Considérez un instant tout ce que vous trouvez de plus beau, de sublime, de délicat. Puisez dans vos souvenirs, n’ayez pas peur de remonter même loin : il y a nécessairement de très belles choses, des amitiés, des lieux, de très bons moments gravés dans votre mémoire… et peut-être aussi une grande nostalgie…

Et bien, toutes ces choses, ces êtres, ces temps de bonheur qui ont pleinement marqué votre sensibilité et vous ont comblés : multipliez-les par cent mille, et vous obtiendrez une pâle idée de ce que Dieu peut être, et à quel point il doit être beau ! Il est l’Être infini, et nos mots ne peuvent presque rien dire de Lui.

Pourtant, en venant ce soir devant vous, j’ai ressenti un appel à en témoigner à ma manière et avec ma sensibilité.

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Le psalmiste chante : « mon âme a soif du Dieu vivant : quand Le verrai-je face à Face ? ». C’est la plus grande espérance qui soit : voir Dieu !!! Nous avons été crées pour cela : contempler Dieu durant l’éternité, se sentir attendu, reconnu, recevoir de Lui un amour inimaginable ici-bas ; l’aimer de tout notre être et nous aimer les uns les autres en Lui. On peut méditer cela très longtemps et en être bouleversé, tellement c’est beau !

Vous comprenez, tout cela ne peut être qu’extraordinaire, une fois ôté le voile des apparences de notre condition terrestre ! Car Dieu est le bien le plus grand, ce qui le rend infiniment désirable. Il ne peut être que plus beau que toute sa création, qui déjà nous ravit et nous émerveille, pour peu qu’on se laisse saisir par elle.

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Mais désirer Dieu, ce n’est pas désirer posséder Dieu. Jamais d’ailleurs on ne peut posséder une personne, encore moins Dieu… Ce désir de Dieu, c’est d’abord se laisser séduire par un être infiniment aimable qui respecte notre liberté, mais ne cesse de nous inviter de mille manières, pour nous combler en plénitude. « L‘Esprit prie en nous par des gémissements ineffables » nous dit l’Écriture (St Paul, Romains 8 v26).

Désirer Dieu, c’est aussi désirer entrer dans la volonté de Dieu, pour accomplir ce qui est bon, beau et vrai, et fait grandir dans la joie, la tendresse, la reconnaissance… Car Dieu aussi a un immense désir : c’est de nous voir heureux, mais debout, c’est-à-dire les pieds sur terre et la tête dans le ciel, puisant sans cesse là-haut la grâce nécessaire pour bien vivre en-bas, et en le faisant humblement, préparer notre demeure éternelle.

Désirer Dieu, c’est donc choisir la vraie vie et le vrai bonheur.

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Imaginons que j’aie rendez-vous avec Dieu demain : serai-je prêt à paraître devant Lui, serai-je prêt à Le recevoir, quel visage aura-t-il pour moi ? Prenons le temps de nous demander, chacun intérieurement, quelle image nous nous faisons de Dieu.

Ensuite, allons puiser dans ce que la foi chrétienne nous a révélé : un Dieu famille : l’Aimant, l’Aimé, l’Amour. Rien n’est plus beau aux yeux de Dieu que l’amour, le don total de soi, car c’est ce qu’il vit dans la Trinité. « Dans la communion du Père et du Fils, chacun offre à l’autre un visage original infiniment distinct de l’autre. Et cette amitié, infiniment féconde, débouche sur le Saint Esprit. Leur vie est relation absolue, don parfait, bonheur infini, et sans aucune possession ».Voilà le visage révélé de Dieu : et pourtant cela reste pour nous un immense mystère… Et ça doit forcément être grandiose, sublime, inimaginable dans notre condition actuelle !

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Il y a deux ans, j’ai découvert les écrits de la mystique Adrienne Von Speyr. Son œuvre est fascinante, mais ce soir, je ne vous lirai qu’un fragment de sa méditation sur l’éternité :

« Celui qui est invité dans l’éternité a la grâce de participer à sa totalité. Cette éternité n’est plus l’espace que Dieu crée pour l’homme, mais le propre espace de Dieu dans lequel Celui-ci invite et accueille l’homme créé.

En présence de Dieu, l’homme perd sa mesure. Non pour en acquérir une autre à sa place, mais pour vivre de la grâce de Dieu dans une plénitude et une infinitude qui dépendent de Lui, pas de nous.

Quelque chose vis-à-vis de quoi notre esprit actuel ne possède aucun moyen de compréhension. Le terrestre demeure symbole et pressentiment. Par rapport à la vie éternelle, nous vivons tous encore dans la promesse… Par la grâce de la rédemption, bien des choses nous sont dévoilées que nous pouvons saisir par bribes, mais qui resteront toujours des paraboles, aussi longtemps que nous ne contemplerons pas la face de Dieu.

Cette vision remplacera tout le reste ; elle donnera à chaque instant d’éternité une plénitude qui dépendra d’elle, rayonnera du Dieu trinitaire, de sorte que le sens se trouve en Lui seul et non en nous ».

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Alors, vous allez me dire : mais ce Dieu infini, ne pouvait-il pas simplement nous créer directement en sa présence et tout nous donner sans même que nous le demandions ? Oui, peut-être ! Mais Il a voulu que nous le cherchions, que nous désirions nous approcher de Lui, et que nous orientions notre liberté pour grandir et pour lui donner quelque chose d’unique, qu’il ne voudra jamais obtenir de force : le don de nous-mêmes ! Ainsi Dieu pourra nous dire : « tu m’as donné quelque chose. Je ne me contente pas de te rassasier, je le fais en réponse à ce que tu m’as donné, pour te remercier de l’avoir donné, alors que tu pouvais le refuser ! ». C’est le seul prix qu’il nous demande, la condition d’un amour partagé, source du vrai bonheur.

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La Bible enseigne que celui qui voit Dieu doit mourir. Car Dieu est irrésistible, c’est pourquoi Il demeure caché durant le temps de notre liberté. Mais il nous fait signe sans cesse, et nous donne parfois des moments de transfiguration. Personnellement, j’ai eu la chance de vivre quelques instants très intenses dans ma vie, comme si le ciel s’ouvrait soudain pour infuser un peu de plénitude dans mon âme assoiffée, avec un désir indicible d’aimer, d’être aimé, et de vivre en plénitude ! Les mots sont impuissants à décrire cela.

Cette la contemplation profonde et intérieure du mystère de Dieu livre l’âme à l’extase… mais aussi à la désolation, comme le notait St Jean de la Croix. On notera ici que dans l’Évangile, l’épisode lumineux de la Transfiguration de Jésus se termine dans une ombre épaisse ; mais une voix du Ciel rassure les trois apôtres : « Celui-ci est mon Fils bien aimé : écoutez-Le ! ». Ainsi, le Père nous rappelle que celui qui marche en suivant son Fils n’a pas à avoir peur des ténèbres, extérieures comme intérieures.

Ombres

La père Molinié disait : « Toute nature innocente est portée à louer Dieu, à s’offrir à Lui et à se perdre en Lui. Seulement, nous ne comprenons plus cet amour, parce que nous avons perdu l’innocence ».

La perte de l’innocence et de l’intériorité

Dans son dernier livre Osez désirer Tout, Denis Marquet affirme que « si notre désir est insatiable, nous cherchons souvent en priorité ce qui est secondaire. Nous sommes tendus vers des objets extérieurs (personnes, biens, situations) que nous convoitons sans cesse, ou bien raidis contre ce qui nous effraie dans le monde. Si nous désirons sans limite, c’est que nous désirons l’infini ». Et lorsque nous cherchons à combler par des biens finis un désir infini, nécessairement nous sommes frustrés et nous souffrons ».

De plus, chacun peut constater en lui un écart entre la pauvre intensité de sa vie présente et la flamme de son désir de vivre. Saint Paul va plus loin : « le bien que je désire, je ne le fais pas, mais le mal que je voudrais ne pas faire, je le fais ». « Cela met en évidence une différence entre notre nature et notre condition. Et c’est de cette différence dont nous souffrons. « Notre âme, mais aussi notre corps, sont en manque de Dieu dans le désert du monde, comme l’assoiffé manque d’eau. Et notre désir, brûlant de l’infini, reste notre seul lien sensible à l’infini divin » (D. Marquet).

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Alors, pourquoi cela ? Dans le premier chapitre de la Genèse, Dieu dit « faisons l’être humain à notre image, comme notre ressemblance ». « Dieu crée donc un être qui est comme Dieu, mais il n’est pas Dieu. Nous recevons notre être : Dieu donne le sien. Acceptant sans réserve de recevoir sa vie de Dieu, l’homme vit d’une vie sans limite et innocente. Or, le texte nous dit que « la première décision prise par l’être humain fut de se séparer de la source de vie, dans le but de se faire origine de soi ».

Tenté de croire qu’il lui manque quelque chose pour être comme Dieu, l’être humain se laisse abuser, alors qu’il ne lui manque rien ! En succombant à ce mensonge, il découvre le bien et le mal, et cela modifie son être et sa perception de tout de manière tragique. Il perd l’innocence et l’intériorité, et la vie divine en lui. Ses désirs désordonnés sont une forme dégradée de sa faim de plénitude. Il découvre la honte et le sentiment insupportable de la culpabilité, qu’il va transférer sur autrui à travers le jugement, la condamnation et la violence » (D. Marquet). De là, le mal va se répandre dans le monde. “Et quand il scrute le fond de son cœur, que trouve-t-il ? La peur… Car, il cherche désormais inlassablement la source de son être et l’infini perdu.

A l’être humain tombé, il faudra une réconciliation avec par le Père, manifestée dans la croix du Christ, pour retrouver cet amour infini dont il reçoit l’être dans l’Esprit Saint, et être pleinement restauré dans sa dignité et son intériorité. C’est cela, le rédemption ! On en parlera bientôt.

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« Dès notre naissance, nous sommes placés en orbite de vie éternelle », disait Daniel Ange. Mais elle commence par la nuit de l’épreuve de la liberté et donc de la fidélité. Or, aussi brillante que soit la lumière qui éclaire notre nuit, elle ne la fait pas disparaître complètement. Et si nous cheminons dans la foi, et parfois dans le doute, et il y a des épaisseurs de brouillard dont les plus grands saints n’ont pas été épargnés. Je me souviens du jour où j’ai appris que Mère Teresa avait connu ce doute profond durant de nombreuses années… Personne ne le voyait pourtant, elle dont l’amour auprès des pauvres était si intense….

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Mère Teresa disait que « le visage de Dieu nous est donné à voir dans les personnes que nous rencontrons ». Dans la pureté du sourire d’un enfant innocent, dans la beauté éclatante d’une jeune femme ou d’un jeune homme, dans la bonté d’un être devenu transparent de Dieu. Mais aussi dans l’humanité défigurée de ceux qui souffrent, et même des plus grands pécheurs, en qui nous pouvons dans la foi ressentir l’agonie de Jésus.

Prenons un moment en silence pour penser à nos souffrances, à celles de nos proches, à celles du monde entier.

Pensons aussi à nos manques d’amour, nos lâchetés, notre indifférence… tout ce en quoi nous sommes complices de la misère du monde.

Mais pensons aussi à la lourde croix que Jésus a portée pour nous, si lourde qu’il est tombé trois fois.

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Seul l’amour entre en vie éternelle

Avouons qu’ « on a du mal à croire à cet amour fou de Dieu pour nous, et peut-être même qu’on en a peur. On peut même penser que la Bible ne nous aide pas quand elle dit de craindre Dieu. Mais tous les saints et les mystiques ont expliqué que cette crainte est celle de blesser le cœur de Dieu qui nous aime tant, pas celle d’un châtiment.

Pour chasser l’ombre de la peur, il nous faut apprendre à désirer Dieu en l’aimant de tout notre cœur et en s’abandonnant à Lui comme un tout petit enfant. N’étant pas innocents, il nous faut consentir à accepter les purifications nécessaires à notre cheminement ultime vers Lui. Jésus nous dit bien dans les Béatitudes : « heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ! ».

C’est le purgatoire, ici ou après la mort, pour nous séparer de tout ce qui nous a partiellement rendus laids, abîmés, a opacifié notre regard, nous empêchant d’accueillir pleinement la vie divine qui vient se donner à nous, et qui n’est qu’amour, tendresse, lumière.

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…Mais il y a bien sûr la possibilité du refus définitif. Difficile de ne pas l’évoquer, mais en tremblant…

L’épître de St Paul aux Hébreux signale qu’« il est redoutable de tomber entre les mains du Dieu vivant ». L’auteur veut dire qu’il est certainement redoutable d’affronter le jugement de Dieu sans s’être repenti, sans avoir appris à le faire…

Et puis, il y a ces deux paroles de Jésus :

« A quoi sert-il à un homme de gagner la Terre entière s’il vient à le payer de sa vie ? » (Math 16 v26)

« Tout péché sera pardonné aux hommes… Mais pas le péché contre le Saint-Esprit » (Math 12)

On peut comprendre que si Dieu est le plus grand bonheur de l’homme, la séparation définitive d’avec Lui par un refus obstiné de sa Miséricorde pourrait constituer le plus grand malheur ! Jésus es venu pour nous sauver de cela, pour nous arracher à des ténèbres qui peuvent être terribles.

Rédemption

Nous vivons sur Terre une condition temporelle qui implique une succession d’états de conscience qui ne se totalisent pas. Nous n’avons pas une vision immédiate de la totalité de notre être. De fait, nous ne sommes pas toujours lucides dans les choix que nous faisons. Au Ciel, ce ne sera plus le cas, car non seulement nous éprouverons la plénitude de notre conscience (dès le passage de la mort), mais Dieu dilatera notre âme aux dimensions de son Amour et à notre capacité à Le recevoir. C’est pour cela que nous pouvons grandir dans l’amour, sur la Terre (appelez cela notre mérite, si vous le voulez) : pour permettre à Dieu de nous rendre le plus débordant possible de bonheur devant Lui. J’ai tenu à rappeler ici cet enseignement peu connu de Marie-Dominique Moliné, qui précise que les anges n’ont pas eu cela. C’est prodigieux d’y penser… et on se sent naturellement dépassé… certainement parce qu’on ne se sait pas encore prêt !

Alors, par quoi commencer ?

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Il nous faut accepter d’être sauvés

Prends contact avec ton âme : c’est là que tu vas rencontrer en premier le Seigneur ton Dieu. Dieu veut passer dans les profondeurs où l’homme souffre et où il se sent perdu. Après avoir envoyé son Fils, Il continue son œuvre de manière visible et invisible. Son Esprit souffle au cœur de l’homme, et ceux qui l’accueillent en se mettant en marche deviennent les témoins visibles de sa tendresse, en même temps qu’ils se laissent transformer et purifier. « Les saints commettent la folie de recevoir l’Évangile en pleine figure, et c’est par ce qu’ils le reçoivent ainsi qu’ils deviennent des saints » (M.D. Molinié). Parfois, cela peut-être instantané, radical, comme pour St Paul ou Charles de Foucauld. Ce qui compte, en définitive, c’est notre entrée progressive dans une intimité avec le cœur de Jésus qui ne finira pas.

Laissons-nous réconcilier avec le Christ ! Nos fautes sont une goutte d’eau par rapport à l’océan de la Miséricorde de Dieu. Mais il est nécessaire que nous ayons le regret de ce que nous avons fait de mal, comme le fils prodigue revenant vers son papa pour lui dire « Père, j’ai péché contre le Ciel et contre toi » . On connaît la suite : la Miséricorde se déverse sur lui abondamment… Il ne s’y attendait pas. Belle image donnée par Jésus de ce qui nous arrive quand nous savons redevenir petits et revenir vers lui…

A notre humble prière « mon Dieu, libérez-moi du poids de moi-même, du poids de mon péché », le Seigneur nous offre les torrents d’eau vive qui coulent du Fils en Croix pour nous laver, nous purifier, nous abreuver. Il nous dit : « Je pardonne et j’oublie toutes tes offenses ! Désormais, viens à ma vigne, suis-moi, tu ne le regretteras pas ! ».

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Suivre Jésus et abandonner le jugement

Dans l’Évangile, le Christ propose deux voies radicales pour le suivre :

– 1) réorienter notre désir, ce qui va nous délivrer du péché (orgueil, convoitise, toute puissance) et de ses conséquences : « cherchez d’abord le règne et la justice de Dieu, le reste vous sera donné par surcroît ». Tel est le trésor que Jésus désigne dans la parabole de l’homme qui achète le champ après avoir vendu tout ce qu’il a, c’est-à-dire s’être libéré du superflu.

– 2) abandonner l’image du Dieu tribunal : « gare à Dieu au bureau des cieux ! » qui a tant défiguré et abîmé son Visage dans les esprits. Et en même temps, sortir de l’impasse du jugement : sur nous-mêmes d’abord, puis sur les autres. « Ne jugez pas, et en aucune façon vous ne serez jugés » dit Jésus. Celui qui se confie en lui n’est pas jugé.

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C’est ainsi que Dieu nous sauve : par sa bonté qui nous délivre du mal, et par une invitation à le suivre, à demeurer en sa présence, et à oublier le jugement. C’est ce qu’opère le sacrement du pardon ! Jésus nous restaure dans l’amitié avec le Père et nous donne son Esprit pour grandir dans l’amour et rester fidèle chaque jour. Et chose extraordinaire, il nous dit dans l’Évangile qu’il n’y a pas de limite à la capacité de Dieu à pardonner… et il nous invite à faire de même. « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure ».

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Efforçons nous de toujours privilégier la bonté : un cœur bon touche en profondeur et fait du bien ! Pensons à ces êtres bons que nous avons côtoyés, et souvenons-nous de quelle manière ils nous ont accueilli, réconforté, aimé, ne serait-ce qu’un instant de notre vie ! C’est cela la bonté : ne parle-t-on pas du Bon Dieu ? Ça donne envie de vivre mille fois, parce qu’on sent bien que c’est cela qui compte vraiment !

Et bien, Jésus veut que nous devenions comme Lui : parfaitement bons, les uns avec les autres. Que la dureté en nous disparaisse, que notre cœur devienne liquide. Charles de Foucauld exprimait cela : « ayez au fond de l’âme gravé profondément ce principe d’où tout découle : que tous les hommes sont vraiment, véritablement, frères en Dieu, leur Père commun ; et qu’il veut qu’ils se regardent, s’aiment, se traitent en tout comme des frères les plus tendres ». C’est le grand commandement du Christ : « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jésus).

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Le monde a plus que jamais besoin de recevoir la miséricorde de Dieu

Le père disait récemment qu’«il faut descendre profondément dans le cœur de l’homme et lui donner l’indulgence de Dieu » (Michel-Marie Zanotti-Sorkine). Oui, l‘essentiel est de pouvoir faire l’expérience de l’amour de Dieu au moins une fois dans sa vie ! Et cela change tout, à l’image de Charles de Foucaud suite à sa bouleversante « rencontre » avec ce Dieu tant combattu par lui. Le secret de l’Évangile, c’est ce mystère insondable de la miséricorde de Dieu. Car Il nous a aimés, et nous savons où cela l’a conduit : « dans ce monde, celui qui aime jusqu’au bout est condamné à mourir » (Molinié). Ainsi, Dieu voulu donner aux hommes qui doutent toujours un signe fort et définitif de son amour infini. « Ce n’est pas pour rien que je t’ai aimée » dira Jésus à Angèle de Foligno.

Oui, nous sommes des êtres de misère, limités, paresseux, pécheurs… Mais nous portons tous, en nous, un désir immense de connaître Dieu. Et rien ni personne d’autre que Lui ne viendra combler parfaitement nôtre être. Et si nous comprenions à quel point nous sommes aimés, nous pleurerions de joie ! En raison même de cet amour, on ne peut dire de personne qu’il est insignifiant, puisqu’il est appelé à voir Dieu sans fin !

Et pour aller encore plus loin, la fraternité humaine se vit aussi dans ce qu’on appelle « la communion des saints ». C’est une chose fantastique, là encore peu enseignée : les grâces de Dieu traversent le temps et l’histoire des hommes : la communion des âmes est une réalité sublime, grandiose, de notre interdépendance dans l’amour. Nous nous plaçons ici dans le temps de Dieu qui est un éternel présent. Passé, présent et futur sont toujours devant Dieu. Cela veut dire clairement que le rayonnement d’une vie humaine peut dépasser, par son union au Christ, cette vie même. Les mérites de Jésus s’appliquent d’avance à Marie, sa mère. Mais il en est de même pour toutes les grâces qui, je le répète, traversent le temps, dans les deux sens. N’ayons pas peur d’offrir nos vies et de recevoir au centuple !

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Le purgatoire (texte de Sainte Thérèse de Lisieux)

« Dieu ne veut pour aucun de nousle passage par le purgatoire. Il veut au contraire nous voir quitter la Terre entièrement purifiés, dans l’abandon du petit enfant prodigue et repentant qui, après s’être endormi tout simplement dans les bras de son père, s’éveille aussitôt dans la lumière du Ciel et s’élance ainsi sans retard dans l’éternel embrasement de l’amour miséricordieux ».

Elle disait à une sœur : « vous avez trop peur du bon Dieu, je vous assure qu’il en est affligé ! On obtient tout de Dieu autant qu’on espère en Lui. Ne pas oser tout demander à Dieu, c’est le prendre pour moins qu’Il est. Il ne faut jamais mesurer la puissance divine à nos courtes pensées. C’est méconnaître la bonté infinie de Dieu et restreindre ses désirs et ses espérances. Oui, il attend de nous la prière pour révéler ce qu’Il est : toute tendresse et toute puissance à la fois. Dieu mesure toujours ses dons à notre confiance”.

Et elle ajoute ceci : « le jugement, n’est rien d’autre que ce regard de Dieu nous donnant tout, en réponse à nos fautes et au-delà de nos fautes, en sorte que nous sommes jugés par nous-mêmes selon l’accueil que nous réservons à cet Amour imprévisible.

Si vous voulez de la Miséricorde, vous aurez de la Miséricorde ; si vous voulez de la Justice, vous aurez de la justice : on obtient de Dieu ce qu’on en attend !».

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En définitive, il faut que nous choisissions de poser un acte de foi et d’abandon en la Miséricorde divine : un acte libre, humble et libérateur, ouvrant grand « la porte étroite » dont parle la parabole évangélique. Étroite, non pas du côté de Dieu (elle est tellement ouverte !), mais du nôtre, qui a la capacité de s’enfermer… ou de s’ouvrir.

Alors, il nous est donné de pouvoir grandir jour après jour dans la confiance, et de préparer le visage glorieux que nous aurons pour l’éternité, visage reçu pleinement de Dieu selon notre amour ici-bas. Nous y serons transparents de Lui, tel le vitrail laissant passer la lumière. Mais nous lui aurons donné ses couleurs uniques : l’amour de notre vie.

Épilogue

Celui qui expérimente le regard de Dieu sur lui, à partir de la bonté d’un seul être humain qui le touche, celui-là peut bâtir sur ce qu’il a reçu, et devenir capable à son tour de communiquer cette tendresse de Dieu, ce sourire de Dieu, pour faire passer l’invisible dans le visible. Que c’est beau !

Pourtant, Dieu est cent millions de fois plus beau que ce que j’ai pu en dire ce soir ! « La transcendance, c’est quelque chose tout de même ! Que peut-on en dire avec nos pauvres mots ? » (Stan Rougier)

« Et en même temps, ce Dieu, c’est le plus faible, le plus fragile, le plus tendre, le plus ouvert, le plus accueillant » (Stan Rougier). Il nous fait confiance et nous dit « j’ai besoin de toi, marche en ma présence, va vers tes frères, commence par les pauvres, ceux qui n’ont jamais vu à quel point la création est splendide, et ceux qui doutent d’être aimés. Aime, donne-toi, et tu vivras ! »

Nous serons tous surpris quand nous verrons Dieu ! Alors, partons le cœur confiant, joyeux d’annoncer à tous nos frères et sœurs qui crèvent la faim de Le connaître, ce Dieu consolant qui nous prépare une place.