Une vision globale de l’écologie

Pour une âme d’aventure, amoureuse des beautés du monde et soucieuse de l’avenir de l’humanité, la question écologique se pose inévitablement, mais loin des partis écologistes qui manquent d’une vision globale des choses et de l’homme, et nient souvent toute approche spirituelle. Ma vision de l’écologie n’est pas non plus celle d’une secte d’adorateurs de la nature : c’est une science débouchant sur des engagements. L’homme a acquis des pouvoirs techniques vertigineux, sa responsabilité envers la nature et les autres devient aussi vertigineuse. Voilà l’esprit de l’écologie, qui est très biblique !

Les défis auxquels l’humanité se trouve aujourd’hui confrontée appellent certainement une mobilisation des intelligences et de la créativité de l’homme, une intensification de la recherche appliquée en vue d’une plus efficace et plus saine utilisation des énergies et des ressources disponibles. Mais la question écologique ne doit pas être affrontée seulement en raison des perspectives effrayantes que la dégradation environnementale dessine à l’horizon. C’est la recherche d’une authentique solidarité à l’échelle mondiale, inspirée par les valeurs de la charité, de la justice et du bien commun, qui doit surtout la motiver.

L’homme doit apprendre à replonger son existence dans le don de vie qui lui a été fait et qui ne lui appartient en aucune manière, pour dépasser ses intérêts immédiats et rejoindre l’intérêt de l’humanité et de son développement intégral. Au delà de l’aspect technique et même théorique des questions de l’environnement, la place que l’homme prend dans le monde est une question spirituelle. Il est le destinataire permanent d’un appel à convertir son rapport à la nature, à ses semblables, à Dieu. C’est peut-être cela le plus structurant et le plus déterminant de son comportement “écologique”. Car il y a une écologie humaine qu’il faut intégrer à l’écologie de la nature : une écologie de la vie, une “écologie de la joie”, du droit à la vie qu’on ne peut opposer aux droits du milieu naturel, qu’il faut tous deux respecter. Quand l’écologie humaine est respectée, la nature en tire aussi avantage. A contrario, on ne peut exiger la protection de la nature et continuer à piétiner l’homme !

“Ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, mais l’humanité” a dit Albert Jacquard. Il faut protéger l’homme de sa propre capacité de destruction. Ce qui est en jeu, ce n’est pas simplement la préservation de l’environnement, c’est aussi le sens de l’homme et de la vie, c’est la question de la justice et du bonheur. La solution des “crises planétaires actuelles” n’est pas à considérer seulement du côté des renouvellements technologiques, ni même des organisations économiques et financières : elle est à chercher dans l’homme lui-même. Ma lecture chrétienne de l’écologie se situe dans un regard différent sur les grandes expériences constitutives de toute vie humaine, tels le rapport au temps, le rapport à l’espace et le rapport à autrui.

Un tournant inévitable de l’histoire humaine

« Le désir de posséder et d’user de façon excessive et désordonnée des ressources de la planète est la cause première de toute dégradation environnementale »

Les menaces qui pèsent désormais sur les équilibres de notre planète interrogent avant tout le sens de notre existence. Le développement des pays industrialisés, continu depuis plusieurs décennies, a apporté une amélioration des conditions de vie, et une élévation de la durée de vie. Mais ce développement s’est caractérisé par une consommation qui n’a pas de limite et qui conduit inéluctablement à l’épuisement des ressources naturelles, au changement climatique, à la dégradation des écosystèmes et à l’appauvrissement de la biodiversité. On ne peut pas imaginer maintenir les modes de vie que nous avons aujourd’hui et en même temps répondre sur la durée à la croisance légitime des besoins des pays émergents et des pays pauvres, sans accélerer la dégradation de l’environnement. Ce qui est en jeu, c’est une véritable métamorphose de notre conception de la vie : qu’est-ce qui nous permet de vivre mieux, au niveau individuel et collectif ? L’homme a besoin de (re)découvrir ses limites !!! A l’origine, Dieu a donné des limites à l’homme pour le préserver (les dix commandements fixent un cadre pour choisir la vie, apprendre à bien aimer…), mais l’oubli de Dieu défigure en même temps l’homme et la nature.

Car à travers notre manière de consommer, de produire, de nous déplacer, d’habiter l’espace et de nous nourrir, nous avons construit et aussi subi un certain projet de vie et de société. La crise actuelle nous donne l’occasion urgente de revisiter ces fondements, ce qui suppose une conversion de nos mentalités marquées par l’individualisme, le consumérisme et le “tout tout de suite”. Face au court terme, il faut paradoxalement valoriser le long terme. Car l’urgence de l’immédiateté et la concentration sur les aspects normatifs, sans prise en compte suffisante du long terme, ne font qu’amplifier les problèmes vitaux.

Face à l’accélération de tout, osons apprendre le rythme de la contemplation. La modernité nous a inscrits dans l’illusion d’une flèche du temps qui avance toujours plus vite, et donne le vertige : “arrête le monde, je veux descendre !”. Il y a des temps différents pour chaque chose : le temps des semailles, et celui de la récolte, le temps du travail et celui du repos, le temps de l’action et celui de la contemplation, qui permettent un juste rapport aux choses, aux êtres et au monde.

Enfin, face au “développement durable”, nous préférons proposer un “développement intégral de la personne et des peuples”. La mondialisation comprend une représentation du monde qui l’a trop réduit à un marché global, alors qu’il nous faut apprendre une articulation nouvelle entre proche et lointain, singulier et universel, au delà d’une opposition crispée entre individuel et collectif. Cette mondialisation a augmenté le degré d’interdépendance entre les nations : c’est une bonne chose ! Mais face aux intérêts nationaux différents, il faudra tôt ou tard inventer une nouvelle forme de gouvernance mondiale qui permettra à chaque pays de peser sur les décisions indépendamment de son poids économique.

Il est temps, maintenant que les alertes ont été lancées, d’associer à nouveau goût de vivre et sobriété, usage et respect, bonheur et simplicité ! Ce qu’avait compris François d’Assise, patron des écologistes, au prix d’une courageuse désappropriation.

Face au catastrophisme stérile, osons redire une espérance ! Nous n’avons aucune sécurité face à l’avenir : juste l’invitation à accueillir l’incertitude comme promesse d’une nouveauté radicale. Et développer ainsi une approche positive de la limite, qui nous fera inventer des modes de vie déployant réellement nos capacités personnelles et collectives. Notre humanité a un urgent besoin de personnes responsables et solidaires, d’économistes et d’ingénieurs, de juristes et de politiques, d’éducateurs et de paysans, d’artistes, de poètes et de mystiques, réconciliés avec leur condition d’enfants de la terre. La Création de Dieu a besoin de vrais jardiniers et d’une harmonie fraternelle entre toutes ses créatures !

De la force à la fragilité

Dans le monde, la valeur est souvent donnée en fonction de la puissance, de la force et des richesses détenues. Un monde où la vulnérabilité est cause d’exclusion ou de mépris, ou simplement niée. Or, l’expérience profondément humaine de la fragilité va nous être rappelée par la confrontation à la crise écologique. Le progrès technique a produit l’illusion d’une toute puissance humaine capable d’une croissance infinie. Face à la crise écologique, on va redécouvrir la valeur de la dimension relationnelle de la vie. On va prendre conscience que la qualité de la vie ne relève pas que de l’accès aux biens mais également de son tissu social. La crise écologique nous conduira à faire, avec une radicalité extrême, l’expérience de la dé-maitrise en même temps qu’elle nous apprendra le détachement. La foi est une aide immense en ce qu’elle permet d’articuler engagement et détachement, car nous ne sommes pas propriétaires du résultat de nos actions, aussi courageuses soient-elles.

A l’heure où le monde du capitalisme tardif et arrogant est en train de se disloquer sous nos yeux, nous contestons une vision du rapport à l’autre pensé sous le seul mode de la rivalité et des rapports de force. On peut construire un “bien vivre ensemble” plutôt qu’une simple prospérité partagée (quand elle l’est !), prendre des risques ensemble plutôt que de se protéger des risques que l’autre peut nous faire encourir, et cultiver des relations de solidarité et de fraternité, surtout avec les populations les plus fragiles qui n’ont pas les moyens de se défendre. Oui, la priorité est due aux plus pauvres, ici et ailleurs, surtout quand ils sont exclus de la destination universelle des biens et traités injustement, qu’ils subissent les inégalités sociales et les risques écologiques avant les autres ! Et cette solidarité entre tous appelle à aussi à vivre dans des structures économiques et politiques justes : elle est étroitement liée à l’instauration d’une écologie globale.

Pour aller plus loin

Évidemment, la plupart des gens qui lisent ce genre de littérature, et qui ne doutent pas des résultats scientifiques de plus en plus fiables, posent inévitablement la question : “ok ! Mais moi, ou ma famille, mes proches, que pouvons-nous faire ? Que devons-nous faire ?”. Pour d’autres encore, il y a un besoin de se former, d’en savoir plus, et c’est très important, déjà pour éviter les slogans, les raccourcis faciles, ou le découragement.

C’est pourquoi je propose quelques pages complémentaires à ce texte, sur des sujets majeurs, de la technique à la spiritualité. On n’est pas obligé de tout lire, mais il y a derrière elles (et les références du bas de la page) suffisamment d’informations  sérieuses pour bien réfléchir, cultiver une “âme écologique” et commencer à s’engager.

Bientôt sur ce site, je mettrai une page alimentation et santé. En attendant, vous pouvez toujours consulter “le bio : la bourse ou la vie”, une très bonne introduction à l’agriculture et l’alimentation biologiques.

J’invite aussi le lecteur en quête de statistiques climatiques à consulter le guide des repères climatiques 2013, publié en France par le Ministère de l’Écologie : c’est un excellent point de départ sur la question des émissions des gaz à effet de serre. Bien sûr, il existe de nombreux autres documents, par exemple sur la fonte des glaciers à l’ère de l’anthropocène (en anglais) qui pourront compléter cette première lecture, déjà très riche.

Je ne cacherai pas que ce travail de collecte m’a pris du temps, et j’ai moi-même appris beaucoup en le faisant et en m’engageant peu à peu. Je remercie au passage mon ami Jérôme (il se reconnaitra…) pour l’éveil qu’il a su m’apporter !

 

Références

Merci de consulter la section “Écologie globale” de la page bibliographie et du marque-pages.