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2022. Vous avez dit « monde d’après » ?

(les textes en italique sont extraits de “Un temps pour changer”, du pape François).

Ce que la pandémie nous a appris, c’est notre vulnérabilité, détruisant le mythe de l’autosuffisance qui nous a tourné la tête. Le confinement a fait émerger des sentiments fraternels qui ont renforcé des liens.

Ainsi, je veux croire que « le monde d’après » dont on a tant parlé depuis deux ans, sera fait de personnes qui auront commencé à comprendre ce que veut dire « accepter de dépendre », rompant avec l’individualisme qui marque nos vies. Nous pouvons sortir meilleurs de cette crise, plus ancrés dans le réel, en choisissant mieux ce qui compte pour tous.

Mais il y a mille autres crises, toutes aussi terribles, certes qui ne nous touchent pas directement. Regarde par exemple ce que les nations dépensent en armes : cela te glacera le sang. Considère aussi qu’il est inimaginable qu’autant de femmes et d’enfants soient encore exploités pour le pouvoir, le plaisir ou le profit.

Ainsi, dans la série des transitions indispensables (écologique, énergétique) pour franchir « ce nouveau monde », n’aurait-on pas oublié la transition financière ? L’illusion des puissances de l’argent mène certains hommes à la folie, et rend esclaves bien d’autres, rappelant cette mise en garde de Jésus : « on ne peut pas servir deux maîtres, Dieu et l’argent ».

Les défis humains, économiques, sociaux et écologiques sont vraiment les différents visages d’une même crise. Se pourrait-il que le fait de remplacer l’objectif de croissance et de profit par celui de nouvelles formes de relations ouvre à un autre type de système économique, qui réponde aux besoins de tous dans les limites des moyens dont notre planète dispose ? Une économie plus maternelle qui soutient, protège et régénère, au lieu seulement de réglementer et d’arbitrer ? De telles idées, longtemps rejetées comme idéalistes ou irréalistes, semblent maintenant visionnaires et pertinentes !

Nous devons repenser l’économie pour qu’elle puisse offrir à chaque personne l’accès à une existence digne tout en protégeant et régénérant la nature. Nous avons besoin d’institutions sociales fortes, défendant les biens communs essentiels et intégrant les plus petits. Sans cela, l’État est impuissant et la société n’est plus qu’un marché où certains font du commerce tandis que les plus pauvres souffrent.

Ɲ

Chaque fois que des idéologies prétendent remplacer la perception ou la connaissance intime et intuitive que nous avons du réel, du vrai, du beau, du bien, des êtres humains souffrent, le monde souffre.

Chaque fois que l’argent passe avant toute autre chose ou tout bien, des êtres humains souffrent, le monde s’abime.

Chaque fois que la tentation grandit de voir l’autre comme étranger ou ennemi et de lui dénier sa dignité réelle, l’humanité régresse.

Ce genre d’enfermement ou de refus coupe rapidement des autres, accentue le délitement des liens d’appartenance au sein même des nations, et rend finalement triste, aigri, anxieux.

Ce qui est dommage, voire terrible, quand on s’enferme dans des illusions qui masquent la réalité, c’est qu’on oublie de contempler les beautés qui nous sont données tous les jours et qui nourrissent vraiment notre âme. A force de ne plus les voir, on finirait même par douter de leur existence…

Ɲ

La beauté, signe de Dieu qui déborde d’amour pour nous, est aussi la porte d’entrée de la conscience écologique. Souvent, nous sommes tellement habitués à posséder, et si peu à remercier… Les dégâts causés à la terre découlent aussi de cette perte de conscience de la gratitude.

L’écologie ne se limite pas à prendre soin de la nature : il s’agit dans un même élan de prendre soin les uns des autres, frères et sœurs en humanité.

L’humilité devant Dieu est une clé qui déverrouille la fraternité et la paix sociale.

Tu dois aller aux périphéries de l’existence si tu veux voir le monde tel qu’il est.

Ɲ

Si tu veux réellement aimer, si tu crois profondément que le sens de nos vies se trouve là, alors tu dois d’abord te libérer de ce qui t’empêche de voir ce qui est beau en toi et autour de toi, et d’aimer.

Seul le visage d’un autre peut révéler le meilleur de nous-mêmes ; en servant d’autres personnes, nous nous sauvons ensemble. C’est une compréhension malheureusement absente des récits politiques contemporains, libéraux ou populistes.

Si tu sens que cette libération est difficile, et même parfois trop douloureuse, demande de l’aide, car personne n’a tout seul le discernement complet de sa vie. Écoute, prie et fais confiance. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ! » disait Jésus à ses disciples. Il y a toujours une heure où Il va passer : n’oublie pas d’être là ! Il veut sauver ce qu’il y a de plus beau en toi ; Il veut te sauver et te donner sa joie, mais pas sans ton accord…

Éprouvons-nous le besoin d’être sauvés, ou seulement d’être protégés, reconnus ? Paradoxalement, nous vivons un temps où de plus en plus de personnes, souvent rigides et autoritaires, se présentent comme des sauveurs, à tous les niveaux, parce que nous avons bien des peurs en nous. Certaines sont réelles, d’autres sont murmurées et attisées par ceux qui les exploitent, empruntant au passage des éléments de vocabulaire en rapport avec nos traditions les plus respectueuses pour nous inciter à aller dans leur sens, dans leurs vues étriquées, pour des combats qui ne sont pas les nôtres, en général. Vigilance !

Pourtant, je le sais, et je l’espère aussi : il y a en chacun de nous de belles choses, de nobles désirs, des trésors de créativité aussi, parfois endormis, mais qui ne demandent qu’à pousser, à fleurir, pour ne pas passer à côté de la beauté, de la bonté et de la générosité qui sont les fleurs de la vraie vie !

Ɲ

Il y a un temps pour voir, un temps pour choisir, un temps pour changer, nous dit très justement le pape François.

Un temps où il faut choisir de ne pas laisser enfouis nos talents, de préférer un bien plus universel et durable que nos simples envies qui changent tout le temps. Parce que ce qui a été déposé en nous par le Créateur et souvent mûri par notre travail, peut et doit être partagé pour le bien de tous.

Nous avons besoin de systèmes économiques qui donnent accès à tous aux fruits de ce monde, aux besoins fondamentaux de la vie : la terre, un toit, un travail qui a du sens.

Nous avons besoin de modes de vie plus modérés, de changer notre conception du progrès et de la réussite.

Nous avons besoin d’une politique qui intègre les plus vulnérables au lieu de les rejeter ou de les ignorer. Une bonne politique laisse les pauvres peser dans les décisions qui concernent leur vie.

Nous devons ralentir, faire le point et concevoir de meilleures façons de vivre ensemble sur cette terre, qui pourra se reposer et guérir.

Ɲ

Dieu agit dans la simplicité des cœurs ouverts, dans la patience de ceux qui savent s’arrêter tant qu’ils n’y voient pas clair.

Puisque la fraternité est la destination que le Créateur assigne au cheminement de l’humanité, la voie principale est de reconnaître la dignité de chaque personne humaine, condition préalable à toute protection d’une existence personnelle ou sociale, et condition nécessaire à la réalisation d’une amitié fraternelle et sociale entre les peuples de la terre.

Sur ce chemin, il me semble qu’un chrétien n’a pas besoin d’être triomphant pour exister pleinement. A l’image du Christ qui donne tout sans bruit, c’est l’image du levain dans la pâte qui doit nous rassurer : un enfouissement dans l’apparence banale de l’existence quotidienne, mais qui produit un bon fruit. Ce qui n’exclut nullement de rêver et de voir grand. Au contraire ! Les âmes les plus humbles de l’histoire font toujours preuve d’une immense profondeur, de grands désirs et d’inventivité.

La joie du Christ reconnu comme Dieu et sauveur les accompagne et leur redonne confiance et courage, au sein même des découragements de ce temps… Celui qui rencontre le Christ réalise avec reconnaissance que ses aspirations, ses désirs, ses rêves profonds sont rendus possibles. L’amour, c’est du concret, mais ça n’a pas besoin de trompettes. Si ça se voit, c’est un beau signe, mais aimer véritablement dans le secret de sa conscience et de son cœur aide le monde à grandir.

Quand je doute de cela – parce qu’une partie de moi croit encore en la toute-puissance (peut-être devrais-je réserver ces idées aux romans et aux fictions ?) – je me souviens de Thérèse de Lisieux qui voulait faire connaître et aimer le bon Dieu au monde entier, et qui a passé sa vie de religieuse au Carmel. Et pourtant, quelle fécondité que cette courte vie de 24 ans ! Il faut lire « Histoire d’une âme » avec un cœur d’enfant…

Quoi qu’il se passe à présent, tout en essayant de rester présent à la Présence, j’ose te souhaite une belle année 2022, avec ta famille, tes proches, celles et ceux qui ont de l’importance à tes yeux.

Je nous souhaite à tous d’ouvrir les yeux pour construire là où nous sommes, autant que nous le pouvons, un monde d’espérance, de sollicitude, de soin, particulièrement auprès des plus petits.

MV


Rendre visible l’Invisible

Il existe des chemins pour préserver l’Espérance…

Il existe un chemin de confiance pour aller plus loin,
il existe un chemin de repos pour nos corps fatigués, pour nos âmes éprouvées,
il existe un chemin de réconciliation pour être relevé

Il existe des chemins de vie exaltants,
il existe aussi des chemins de vie froissés, tordus, abîmés

Il existe un chemin pour révéler les trésors de ton coeur,
il en existe un autre pour apprendre à voir celui des autres,
il existe un chemin pour pleurer avec celui qui pleure,
et un autre pour se réjouir avec celui qui est dans la joie

Il existe un chemin pour contempler ce qui est beau autour de nous,
il existe un chemin pour voir dans la nature, le cosmos, la vie, une merveille,
il existe un chemin pour protéger la Création,
l’âme de l’écologie, c’est l’émerveillement

Il existe un chemin de vie plus sobre pour saisir l’essentiel,
pour fuir la saturation et l’anesthésie dues au gavage,
combattre l’inertie et le désengagement,
il existe un chemin pour ne plus abîmer, ne plus gaspiller, apprécier ce qu’on a,
il existe un chemin de jeûne pour soigner le corps et ouvrir l’esprit

Il existe de nombreux chemins qui détournent du bien,
toi et moi les avons plus ou moins empruntés,
des chemins qui emprisonnent la volonté, la joie, l’espoir,
des chemins d’esclavage,
des chemins qui usent notre humanité,
des chemins de violence, fruit des injustices accumulées, des manques d’amour,
des chemins de refus et d’indifférence qui menacent la paix globale,
des chemins de destruction et de mort.

Il existe un chemin de lucidité pour voir le monde tel qu’il est devenu,
un terrain d’exploitation, un casino, un monopoly,
destructuré en profondeur par l’alliance des idéologies de la technoscience
et d’un turbo-capitalisme planétaire et arrogant
Il existe un chemin pour dénoncer les scandales, la corruption, la destruction,
qui transforment la Terre en “un jardin vide pour le plaisir de quelques uns”,
culte des idoles et de la toute puissance, folle quête du vide qui ne rassasie pas !

Il existe un chemin pour remettre l’argent à sa place,
remettre le profit au service du bien commun,
un chemin de solidarité au-delà des nos propres intérêts

Il existe un chemin pour soigner les immenses blessures des humains,
les soulager avec l’huile de la consolation,
les panser avec le baume de la miséricorde

Il existe un chemin d’estime de soi,
un chemin pour libérer la parole…
un chemin pour dépasser le passé,
il existe un chemin de guérison profonde,
pour moins se raidir, et plus s’assouplir,
pour devenir “moins dur avec le pécheur, et moins mou avec le péché“.
Laisse Jésus pacifier ton coeur et lui ouvrir un nouveau chemin de liberté intérieure,
cesse de te raidir, de t’endurcir,
il y a assez de forces dans ce monde qui n’ont pas de pité,
aime-toi enfin !

Il existe un chemin pour accepter nos fragilités,
et un autre pour les offrir,
il existe un chemin pour aider ton frère à porter sa croix,
et un autre pour ne pas surcharger celle des autres

Il existe un chemin où le Créateur s’est fait « fils de sa propre création »,
pour la transfigurer de l’intérieur,
un chemin où le Tout-puissant, le Miséricordieux, s’est abaissé pour nous relever,
telle est la Miséricorde, le cœur de Dieu !

Il existe un chemin d’unité pour marcher ensemble en frères,
un chemin de compassion qui jaillit de la fraternité !
Avec Toi, Père, Fils, Esprit,
au coeur de Ton Coeur,
Dieu d’alliance, de tendresse et de consolation,
dans ce coeur à Coeur,
celui qui aime Te connaît !

Il existe un chemin que Dieu nous propose de suivre : son Fils Jésus !
ce chemin, c’est une Personne qui t’aime,
chacun est invité à le prendre,
personne n’y est contraint,
mais la Vie jaillit de son Coeur en abondance : elle donne la vraie liberté

Il existe un chemin pour cultiver un sens fort de la justice,
et un autre pour vivre la miséricorde,
ces deux chemins ne s’opposent pas

Il existe un chemin de fraternité pour tous les pauvres de la Terre,
les réfugiés, les migrants, ceux qui on tout quitté, ceux qui ont tout perdu,
il existe un chemin pour vaincre l’indifférence et conquérir la paix.
Il existe un chemin pour se laisser toucher par les petits de ce monde,
il existe un chemin pour sortir de nous-mêmes, nous désemcombrer du poids de notre vide,
il existe un chemin pour entendre les cris de douleurs,
pour être compatissant et bienveillant

Il existe un chemin pour passer de l’indifférence à la miséricorde :
en puisant chaque jour un peu d’eau, pour féconder les déserts de nos vies,
en trouvant la Source de toujours, l’eau vive pour la suite des jours

Dieu n’est pas indifférent, Dieu accorde de l’importance à l’humanité, Dieu ne l’abandonne pas !
il existe un chemin pour faire silence,
il existe un chemin pour Le trouver, pour L’écouter, pour Le recevoir, pour Le donner
à celui qui est assoiffé, à celui qui a faim,
à celui qui est malade, à celui qui est seul,
à celui qui est sans travail, à celui qui est nu,
à celui qui subit l’injustice, à celui qui est persécuté,
à celui qui a fui la guerre, à celui qui a quitté sa terre,
à celui qui tout simplement mendie de l’amour !

Chrétien, par ton baptême,
tu as reçu la mission de rester près de Jésus,
de communiquer un peu de sa bonté, de sa tendresse et de sa patience.
Accompagne tes frères dans leur voyage à travers la vie,
garde ta relation profonde au Christ : c’est Lui qui libère !

Oh immense et si aimable Miséricorde qui porte mes misères,
Tu creuses patiemment en moi des chemins de réconciliation, de tendresse et de gratitude,
Tu me cherches sans te lasser, je ne trouverai pas la paix avant de T’avoir connue !
Que mon coeur qui se sait aimé à ce point
puisse à son tour devenir miséricordieux envers les autres,
car je comprends que sans Toi qui me restaures et me sauves en profondeur,
je pourrais descendre très bas…

Il existe un chemin pour que des aveugles ne guident plus les aveugles,
pour que la politique redevienne service des autres et du bien commun.
Il existe un chemin pour que la France soit relevée,
il existe un chemin pour demain,
quand il faudra tout reconstruire,
renouer avec la Sagesse oubliée

Il existe un chemin de victoire sur le mal par l’Amour,
il existe un chemin d’amour et de beauté qui peut tout sauver !
Mais l’homme agit encore comme Jacob contre l’ange de Dieu,
il lui faudra céder un jour,
et laisser enfin Dieu éliminer en lui les causes de ses drames existentiels et spirituels.
Alors l’homme sera sauvé par la beauté transfigurée par l’Amour !

Il y a tant de chemins pour rendre visible l’Invisible,
il suffit d’en parcourir quelques uns,
commencer à aimer : « un chemin tout simple », disait Mère Térésa

Il existe mille manières de te souhaiter une bonne année,
mais c’est celle-là que j’ai choisie,

M.V.


Fragments d’éternité

Le christianisme ne promet pas le simple salut de l’âme, dans un quelconque au-delà où toutes les valeurs et les choses précieuses de ce monde disparaîtraient comme s’il s’agissait d’une scène qu’on auraît bâtie autrefois et qui disparaîtrait désormais.

Le christianisme promet l’éternité de ce qui s’est réalisé sur cette terre. Dieu connaît et aime cet homme total que nous sommes actuellement.

Est donc immortel ce qui grandit et se développe dans notre vie de maintenant. C’est dans notre corps que nous souffrons et aimons, que nous espérons, que nous éprouvons de la joie et de la tristesse, que nous progressons à travers le temps. Tout ce qui grandit ainsi dans notre vie de maintenant, c’est ce qui est impérissable.

Est donc impérissable ce que nous sommes devenus dans notre corps, ce qui a grandi et mûri au coeur de notre vie, en lien avec les choses de ce monde.

C’est “l’homme total” tel qu’il s’est situé en ce monde, tel qu’il y a vécu et souffert, qui sera un jour emporté dans l’éternité de Dieu et qui aura part, en Dieu Lui-même, à l’éternité. C’est cela qui doit nous envahir d’une joie profonde.

dans “Vivre sa foi”, Joseph Ratzinger, 1981.

Ainsi, nos vies peu à peu s’étoffent de fragments d’éternité qui seront notre couronne au Ciel, pour reprendre une pensée chère à Ste Thérèse. Et sur ce chemin, nous avons la chance en cette période de notre histoire d’avoir le pape François.

En ce début d’été 2015, chacun est invité à lire et à méditer ce texte saisissant Loué sois-Tu (cliquer pour le charger) de François. Oui, l’Eglise s’intéresse à l’écologie, et même depuis plusieurs décennies ! Mais la Bible dans son intégralité nous parle depuis très lontemps de la beauté de la Création et invite tout être humain à entrer dans une merveilleuse alliance avec son Dieu, à vivre une écologie globale : naturelle, humaine et spirituelle.

Notre monde a besoin d’être sauvé, globalement, plus que jamais. Et chacun de nous en particulier. Offrons notre participation éclairée et généreuse à cette oeuvre primordiale !

Bon été à toutes et à tous,

M.V.


Deux vœux pour 2015

Retrouvons le sens de nos limites

Au début de l’année 2014, trois jeunes gens publient un court mais remarquable essai « Nos limites » (dont le produit de la vente est reversé à l’association « Espérance banlieues » qui crée des écoles en plein cœur des cités sensibles, adaptées aux défis éducatifs posés par ces territoires).
Ils dressent une analyse lucide et décapante des excès et des manques de notre époque, appelant de leurs vœux une écologie intégrale. Face à la technique sans âme et au marché sans loi, cette voie offre l’espérance d’un monde à la mesure de l’homme, fondé sur l’entraide et le don, fruits de nos limites.
Un vigoureux appel à « vivre plus simplement pour que chacun puisse simplement vivre » !  Extraits :

« Quelle orientation et quelles significations donnerons-nous à l’aventure humaine à l’heure où l’individualisme de masse se développe au sein même du « village planétaire » ? Au moment où chacun semble de plus en plus nu et désarmé face aux nouveaux prédateurs du pouvoir et des marchés financiers, vivre une simplicité discrète nous semble le meilleur remède à la sophistication contemporaine qui, loin de combler nos désirs et répondre à nos aspirations, altère notre rapport au monde, aux autres, et finalement à nous-mêmes.

Qui ne voit que le consumérisme sans limites, non content d’abîmer irrémédiablement notre planète, produit plus de misère que de joie ? La globalisation effrénée de toute chose, à force de repousser les limites et de déraciner les foyers identitaires à grands coups d’ouverture de frontières et de délocalisations, semble foncer droit dans le mur, en rendant pour tous le monde moins habitable.

Loin de rapprocher les hommes, on détruit des cultures vivrières pour imposer des agricultures d’exportation, on étire les circuits d’exportation aux extrêmes limites du monde, on multiplie les intermédiaires entre producteurs et consommateurs. Par mépris du terroir, toujours suspect de conservatisme, on piétine le local et on risque bien, à terme, de n’avoir justement plus rien à conserver.

La mise en concurrence des travailleurs à l’échelle du monde obéit d’abord à la dure loi du productivisme, lui-même régi par des impératifs de rentabilité maximale, qui ravagent autant la société que la nature. Les migrants économiques, légaux ou clandestins, sont les premières victimes de cette économie sans frontières et de cette précarisation accélérée du monde, car la misère qui leur fait miroiter un lointain Eldorado les arrache à leurs foyers, à leurs familles.

Aussi est-il grand temps, selon le mot d’Ivan Illich, de « bâtir une société où l’acte personnel retrouve une valeur plus grande que la fabrication des choses et la manipulation des êtres ».
La conscience de notre finitude humaine en est la condition. Notre survie sur une terre habitable pour tous dépend moins du progrès technique que de notre faculté à trouver un rapport sain et durable avec notre environnement et avec notre propre nature humaine.

Notre finitude implique notre dépendance : nous avons besoin les uns des autres parce que nous sommes des êtres vulnérables et incomplets. Continuerons-nous longtemps à vouloir contrôler toujours plus la vie, de la conception à la mort, à la soumettre à nos rêves de perfection, ou saurons-nous accepter cette vulnérabilité intrinsèque qui est moins l’obstacle que la condition de notre dignité ?

Quelques pistes : parler de personne à personne, plutôt que de groupe à groupe, préférer la qualité à la quantité, agir ici et maintenant, à notre place, avant de se projeter dans un futur hypothétique et lointain. Moins, mais mieux : seul moyen d’empêcher que « notre vie se gaspille en détail ». Nous libérer peu à peu du superflu et prendre soin de ce qui est fragile, de ceux qui sont fragiles ».

Vivons comme il convient

Qu’est-ce que révèle cette incapacité à reconnaître nos limites sinon une profonde angoisse d’exister, tant visible dans la tentation actuelle du transhumanisme, ou dans nos sociétés « d’abondance sans plénitude », sans aspiration supérieure, où l’argent est devenu le roi ? L’actualité nous montre, hélas, combien les limites ont explosé quand il s’agit de vendre n’importe quoi, n’importe où, à n’importe qui, au mépris de toute considération de santé, physique, morale, écologique ou spirituelle.

Si notre monde va dans l’impasse, il y a peut-être moyen de travailler à un changement d’attitude qui engendre le moins de malheurs possible, et qui peut – c’est notre espérance – renverser le courant dévastateur. « Ce qui nous appartient, c’est de vivre le présent comme il convient », conseille le philosophe mathématicien Olivier Rey. Et je crois que cela sonne juste !

Ce souci du bien agir, ici et maintenant, est une force qui anime bien des gens d’horizons très divers, dans la mouvance écologique et décroissante par exemple. Je rencontre de plus en plus d’objecteurs de conscience qui entrent en désertion, par leur refus affirmé de collaborer directement ou indirectement à l’entreprise d’anéantissement et de déshumanisation de notre milieu vital, même par de tous petits actes de leur vie quotidienne. Je m’en réjouis, car il y a dans ces attitudes, sans même le savoir le plus souvent, comme un prélude, un désir de plénitude évangélique.

Dans « Une vie pour aimer », Stan Rougier dit que « la plupart des hommes vivent à la surface d’eux-mêmes, parce qu’ils sont privés d’un climat d’amour qui est plus nécessaire que le pain ». Cela fait écho à cette parole prononcée un jour par un évêque africain : « l’homme a besoin de pain pour vivre, mais il a besoin de la Parole de Dieu pour vouloir vivre, pour ne pas entrer dans la désespérance ».
Oui, Dieu aime chacun de nous d’un amour sans limite, un amour libérateur qui nous fait « passer de nos ténèbres à son admirable lumière » (lettre de Pierre 2,4-9). Et c’est en Jésus son Fils venu parmi nous qu’il nous l’a montré de manière très concrète. Christ est venu en notre humanité pour nous faire communier à sa vie divine ! C’est cela, la vraie joie de Noël !

Si « la vie est née d’un débordement de la tendresse divine, et que l’amour en est le début et le terme », alors « vivre comme il convient » c’est aimer en tout temps en puisant à cet Amour pour le rendre visible et concret là où il est vital qu’il y ait de l’amour pour réchauffer les cœurs et guérir les âmes. C’est-à-dire partout ! Mais notre vie témoigne-t-elle suffisamment de cette prodigieuse libération et des merveilles de cet Amour ?

En ce début d’année, j’aurai une prière particulière pour nos frères d’Irak et de Syrie… pour les enfants livrés à la violence des guerres… pour les femmes livrées à la violence et à l’humiliation des hommes… pour celles et ceux qui sont blessés dans leurs liens d’amour ou d’amitié… pour tous ceux enfin qui cherchent un chemin pour mieux vivre, une espérance dans leur nuit, un cœur qui les comprenne…

Je laisse le dernier mot à mon ami Stan Rougier, un homme de cœur : « dans l’éternité, quelle sera notre joie de découvrir combien nous aurons été, les uns pour les autres, messagers de Dieu, ambassadeurs de Sa tendresse ! C’est sur la seule balance de l’amour que sera pesée notre vie ».

M.V.


Engagement écologique de l’Eglise : écoutons le pape François

Cultivons nous et protégeons nous vraiment la nature, ou bien exploitons nous et négligeons nous la création ?

“Cultiver et protéger est un commandement de Dieu valable dans le temps et applicable à chacun de nous. Cela fait partie de son projet qui est de faire grandir le monde dans la responsabilité, afin d’en faire un jardin, un espace vivable pour tous. Benoît XVI a plusieurs fois rappelé que la mission attribuée à l’humanité par le Créateur implique le respect des rythmes et de la logique de la création. Mais l’homme est souvent dominé par la tendance à dominer, posséder, manipuler et exploiter, et non par le respect de la nature considérée comme un don gratuit.

Ainsi perd-on le sens de la contemplation et de l’écoute de la création, ainsi oublie-t-on de cueillir ce que Benoît XVI appelle le rythme de l’histoire d’amour entre Dieu et l’homme. Ce défaut vient de ce qu’on pense et vit de façon horizontale, loin de Dieu et loin de ses signes”.

La dictature de l’argent

“Mais se cultiver et protéger comprend aussi les rapports humains […]. Si la crise actuelle est largement liée à l’environnement, elle touche également l’homme. La personne est en danger et ceci justifie la priorité d’une écologie humaine. Ce danger est d’autant plus grave que sa cause est profonde. Il ne s’agit pas d’économie mais d’éthique et d’anthropologie […] même si tout est dominé par une économie et une finance démunies d’éthique qui sacrifient les personnes au profit et à la consommation. Il s’agit d’une culture du gaspillage et du rejet […] qui tend à devenir commune…

La mode aujourd’hui c’est l’argent et la richesse, pas l’homme. C’est la dictature de l’argent. Dieu a chargé l’homme de gérer la terre, non l’argent. Là est le devoir de chacun de nous. A l’inverse, la vie et la personne n’y sont plus considérées comme des valeurs primaires […]. Cette culture rend insensible jusqu’au gaspillage alimentaire […].

D’abord les personnes

La société de consommation nous a habitués à l’excès et au gaspillage des aliments, auxquels on finit par ne plus accorder de valeur. Et ceci va bien au-delà des simples paramètres économiques car ces denrées sont en fait comme volées aux pauvres et aux affamés. Je vous invite donc à réfléchir sur cette problématique  […].

Si une nuit d’hiver, tout près de cette place, quelqu’un meurt dans la rue, ce n’est pas une information, alors que si un réseau électronique saute c’est un drame ! Si la bourse fléchit de quelques points, c’est une tragédie, mais non que des êtres humains soient rejetés comme on jette des ordures…

Partout de par le monde il y a des enfants qui n’ont rien à manger et on fait comme si c’était normal. Il ne peut pas en être ainsi ! […]. Prenons tous l’engagement à respecter et protéger l’environnement et la création. Soyons attentifs à toute personne et luttons contre la culture du gaspillage et du rejet au profit d’une culture de la solidarité et du dialogue”.


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